Figure tutélaire du manga d’avant-garde, Schinichi Abe voit peu à peu ses oeuvres débarquer en Europe. ‘Les Amours de Taneko’, paru sous forme d’épisodes dans la revue Garo durant les années 1970, s’inscrit dans cette veine décalée, expérimentale, qui n’a rien perdu trente ans plus tard de son originalité. Conséquence : la lecture est difficile. Les graphismes sont statiques, sans réelle dynamique. Quant au récit, il part dans tous les sens et frise plusieurs fois l’abstraction. Schinichi Abe narre les aventures de la jeune Taneko Tanaka, aventures qui tournent presque exclusivement autour de son approche du sexe. Mais quand Abe dessine le sexe, même crûment, jamais il ne sombre dans le vulgaire : l’ouvrage se lit avant tout comme une oeuvre quasi-psychanalytique, dans laquelle l’auteur nous fait partager ses peurs, ses fantasmes, ses frustrations. Le scénario suit de fait un parcours chaotique, la narration devenant par instant incohérente, qui s’approcherait d’une écriture automatique, presque inconsciente. Considéré comme le créateur de l’autofiction japonaise, Schinichi Abe mêle sa vie à ses personnages (il va jusqu’à mettre en scène sa femme) pour donner naissance à un art très brut. Difficile à appréhender, l’écriture sensitive et spontanée d’Abe vaut tout de même le détour pour sa créativité et les nouvelles voies qu’elle explore.
Les Amours de Taneko de Shinichi Abe
Suivi de “Vengeance”, de Shinichi Abe
Editeur : Seuil
Publication :20/9/2007