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Avis sur : TAZ de Hakim Bey

TAZ.JPGAvant toutes choses je tiens à signaler que TAZ d’Hakim Bey a été traduit de l’anglais par Christine Tréguier avec l’assistance de Peter Lamia & Aude Latarget. Si le texte original est apparu pour la première fois en 1985, il a été publié en 1991 aux États-Unis puis en mai 1997 en France aux Éditions de l’Éclat (lire le billet consacré à cet éditeur sur ce blog en novembre 2009). Aujourd’hui l’éditeur français en est à sa 8e édition bien que tous les écrits d’Hakim Bey soient libres de droits et que, selon les voeux de l’auteur et de l’éditeur, le texte original de ce livre puisse être librement piraté et reproduit (sous réserve d’information préalable auprès de l’éditeur). Enfin, TAZ est le premier titre des éditions de L’éclat à être fabriqué en ePub par Sébastien Cretin d’ePagine et à être commercialisé dans ce format ; d’autres arriveront dans les prochaines semaines. Je vous tiendrai au courant.

Avec TAZ (Temporary Autonomous Zone ou Zone Autonome Temporaire) Hakim Bey est devenu en une bonne vingtaine d’années un des personnages les plus emblématiques de la contre-culture dans le monde (d’autres essais et articles ont été écrits depuis). Libertaires, altermondialistes, anarchistes, hackers, cataphiles, créateurs, tagueurs, raveurs, internautes, squatters, tous lui vouent un véritable culte depuis la publication de son essai, un culte qu’il a lui-même alimenté en choisissant de créer ce personnage d’Hakim Bey (presque personne ne sait où vit celui qui se cache derrière ce pseudonyme) afin, dit-il, de se protéger mais aussi pour créer du mystère.

Subversif, sujet à polémiques, à la fois visionnaire, utopiste et radical (il condamne par exemple la famille pour prôner la bande et il est également contre l’alphabétisation), Hakim Bey fait souvent référence dans ses écrits à Thoreau, Foucault, Baudrillard, Nietzsche, aux grands maîtres soufis ; il est également féru de chamanisme et de tantrisme et il s’intéresse de près aux sociétés totémiques du XVIIIe. S’il se défend d’être un gourou, un porte-parole ou un maître à penser, néanmoins des milliers d’hommes et de femmes dans le monde, après avoir lu TAZ, ont cherché à appliquer ce qu’il défend dans son essai, à faire tomber les barrières et à créer leur propre zone temporaire (que la raison du soulèvement soit politique, sociale, artistique…). De la même manière, s’il n’a jamais voulu « construire un dogme politique », s’il s’est « délibérément interdit de définir la TAZ » (elle « est quasiment auto-explicite (…) comprise dans l’action ») et a plutôt cherché à définir un « archétype » de la TAZ en partant de la colonisation du Nouveau Monde au XVIe jusqu’au XXe en passant par les pirates au XVIIIe (qui sont le vrai coeur de l’essai) ou la première TAZ moderne avec D’Annunzio et l’État libre de Fiume (aujourd’hui Rijeka en Croatie), les lecteurs du monde entier se sont très vite emparés du texte, de ses phrases et de ses idées – quitte d’ailleurs à les lire de travers, quitte à les recracher comme « des perroquets » (ce qu’il écrit dans une des annexes).

 

Si les TAZ ont commencé à voir le jour sur les mers, dans les terres, dans la rue, sur les places ou dans les villes, aujourd’hui de nombreuses communautés et groupes libertaires et anarchistes créent des TAZ sur le Web et utilisent cet outil comme support logistique à la TAZ (« sommairement parlant, on peut dire que la TAZ existe aussi bien dans le monde réel que dans l’espace d’information. », écrit-il). Il est d’ailleurs très intéressant de lire ce qu’Hakim Bey pouvait écrire dans les années 80 alors qu’il réfléchissait à la notion de contre-culture sur Internet : « mon intuition me dit que le contre-Net est déjà en gestation, qu’il existe peut-être déjà – mais je ne peux pas le prouver. J’ai fondé la théorie de la TAZ en grande partie sur cette intuition. Bien sûr le Web implique aussi des réseaux d’échange non informatisés comme le samizdat, le marché noir, etc. – mais le vrai potentiel de la mise en réseau non hiérarchique de l’information désigne l’ordinateur comme l’outil par excellence. »

 

Dans TAZ il y a « temporaire » : par définition les TAZ ne sont pas prévues pour durer (lire à ce propos le chapitre sur les pirates au large de Madagascar), le principe étant donc de mettre en place une zone puis, une fois les actions directes effectuées, de la détruire pour en construire une autre ailleurs (lire aussi le chapitre sur la tactique de la disparition). Ainsi Hakim Bey recommande la TAZ « parce qu’elle peut apporter une amélioration propre au soulèvement, sans nécessairement mener à la violence et au martyre. La TAZ est comme une insurrection sans engagement direct contre l’État, une opération de guérilla qui libère une zone (de terrain, de temps, d’imagination), puis se dissout, avant que l’État ne l’écrase, pour se reformer ailleurs dans le temps ou l’espace. »

 

à suivre

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