L’Homme qui peignit le dragon Griaule par Jean-Daniel Brèque, une des nouvelles du recueil écrites par ce grand auteur nord-américain qu’on peut dire « culte » parce que si apprécié par certains lecteurs de SF et fantasy il n’est malheureusement pas lu par les amateurs de littérature blanche. Dommage ! Surtout que son réalisme magique, son style, sa sensibilité m’ont plus d’une fois fait penser à un autre grand écrivain, Gabriel García Márquez, auteur lu par un très large public. Alors si vous êtes comme moi, lecteur de littérature « blanche » mais ouvert aux genres de l’imaginaire, téléchargez cette longue nouvelle aujourd’hui !
Et si la nouvelle vous plaît, vous pourrez poursuivre cette série consacrée au dragon Griaule en téléchargeant le recueil complet à partir du 22 septembre. Celui-ci sera vendu 25 € en papier et 10.99 € en numérique (toujours sans DRM). C’est ici que ça se passe ainsi que sur tous les sites des libraires proposant à la vente des livres numériques !
L’univers développé par Lucius Shepard n’aura jamais été publié dans son intégralité, ni en France ni ailleurs dans le monde. Rien que pour ça la parution du dragon Griaule est en soi un événement ! Celui-ci contiendra donc six novellas toutes inédites en français (ou nouvelles traductions), dont L’Homme qui peignit le dragon Griaule, texte liminaire publié en 1984 dans lequel l’auteur introduit « l’univers de Griaule, un monde préindustriel où un dragon titanesque a été pétrifié par un puissant sorcier voilà plusieurs millénaires. Depuis ces temps reculés, la créature s’est « intégrée » au paysage, devenant à elle seule une chaîne de montagne chargée de végétation qui abrite ville et villages. Mais si le monstre ne bouge plus, il n’en est pas mort pour autant. Ainsi Griaule continue-t-il d’instiller sa néfaste influence, une insidieuse corruption qui s’attaque aussi bien aux hommes qu’à la nature… Car Griaule poursuit un but. Inavoué et inavouable… » Mais soudain surgit un homme étrange, un peintre et tatoueur qui a un drôle de projet à proposer aux pères de la cité : empoisonner le dragon Griaule en le peignant…
Étant un lecteur très occasionnel de SF et de fantasy je ne savais pas si cette nouvelle allait me plaire. Mais face à un styliste et à un peintre pareils impossible de ne pas s’y engouffrer. Fond et forme ici s’épousent admirablement. L’univers qu’il dépeint, la cité de Teocinte et ses environs, mêle le beau, le glauque et le merveilleux et tout ça parfois le temps d’un glissement à l’intérieur d’une même phrase. Sa manière de décrire ce que ses personnages voient est réalisée avec une minutie et un goût du détail qui font mouche (voyez par exemple comment il croque le dragon, ce qu’il dit de ses écailles par exemple). Impressionnant également ce paysage qui se modifie à mesure que le projet du peintre prend forme. Il y a aussi dans ce texte un travail très fin sur les oppositions art et pouvoir, amour et ambition, folie créatrice et bêtise de ceux qui gouvernent. On y trouve également de beaux passages sur la patience et la beauté mortelle ou encore sur la déliquescence d’une société. Quitte à être emphatique soyons-le jusqu’au bout ! J’avoue que j’ai également aimé que le temps soit ici étiré à souhaits, à la fois dans l’histoire racontée mais également dans la construction elle-même du récit qui avance de manière polyphonique et non linéaire. En deux mots, allez y !